Loi de Finances : rente vs travail, vilenies et autres contradictions de l’UMP

Publié le : 10 septembre 20188 mins de lecture

le Sénat a adopté le Projet de Loi de Finances pour 2011, à 177 voix contre 153. Le ministre François Baroin a qualifié d’«historique» la lutte engagée, au travers de ce budget, contre les déficits. Tous comptes faits, il s’agira pourtant à peine de 10 milliards d’euros. Et le Gouvernement tire un trait sur un surcroît de recettes attendu de la croissance. Son hypothèse s’avère de plus en plus fragile, puisque la Commission européenne prévoit une croissance de 1,6 %. De plus, la crise financière au sein de la zone euro assombrit l’avenir, et ce PLF fait l’impasse sur le chômage massif. Bref, la «rilance» de Mme Lagarde a fait long feu ! Que fera le Gouvernement si la prévision est erronée ? Rogner encore les dépenses sociales ? Augmenter encore les impôts ? Nous craignons qu’il ne fasse les deux à la fois. Ce sera la double peine !Mais cela se produira plus tard.

Ce PLF ne protège pas les recettes de l’État. Depuis bientôt dix ans, tous les gouvernements successifs ont organisé l’affaiblissement de l’État en multipliant les mécanismes dérogatoires à la fiscalité des entreprises et à celle des ménages les plus aisés. Et il s’agit du dernier budget utile du Gouvernement – il vient d’entrer en campagne électorale : son bilan est accablant !

Les propositions n’ont pourtant pas manqué sur les travées socialistes pour assurer l’égalité devant l’impôt et le redressement nécessaire de nos finances publiques. Le groupe socialiste a défendu de nombreux amendements ; de la suppression du bouclier fiscal au relèvement des prélèvements sur le capital – que le Gouvernement n’a cessé d’alléger ! en passant par des mesures de soutien à l’emploi. Ces dernières sont essentielles pour faire tenir le seul moteur qui fonctionne encore dans notre économie : la consommationAucun de nos amendements n’a trouvé grâce aux yeux de la majorité. Les économies sont recherchées toujours du même côté, celui des travailleurs !

Toute cette politique fiscale vise à exonérer une minorité – la plus aisée – de l’effort de solidarité. Contrairement à la promesse faite en 2007, l’UMP joue la rente contre le travail. Parmi les vilenies commises, je citerai :

  • premièrement, le logement social qui, au final, financera les promesses du Gouvernement en matière de rénovation urbaine. Il fallait l’inventer !
  • deuxièmement, les nouveaux mariés et les pacsés perdront leur avantage fiscal. Comme si l’on choisissait la date de son mariage en fonction du bénéfice que l’on peut en retirer sur sa feuille d’impôt… certains couples agissent certainement ainsi, mais ils se situent tout en haut de l’échelle sociale : eux seuls consultent des conseillers fiscaux prêts à recommander à de futurs mariés de convoler avant la fin de l’année, pour des raisons d’optimisation fiscale ! J’attends de voir la publication des bans d’ici à la fin de l’année : nous verrons alors si cette mesure a eu de l’effet. Nous devrions constater un surcroît de mariages…
  • troisièmement, les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle acquitteront désormais un ticket modérateur. S’ils ne peuvent pas payer, ce seront les avocats qui s’en porteront garants. Il fallait la trouver, cette mesure d’économie ! Et c’est ce qu’a fait le Gouvernement, avec l’aide de la majorité et de la commission des finances…
  • quatrième mesure, et pas la moindre. La majorité a introduit un dispositif qui vise à déduire les arrêts maladies des jours de RTT. Encore une fois, on attaque les 35 heures ! Cela fait écho au choix incongru proposé le 4 décembre par le président du groupe UMP, M. Longuet : « Ou on sort de l’euro, ou on sort des 35 heures ! ».

Quel courage déployé au travers de ces quelques mesures ! Et dans le même temps, des niches bien dodues, bien grasses continuent de prospérer : la niche Copé, la niche Vivendi et tous les dispositifs de contournement de l’ISF. Or leur effet sur la compétitivité n’est toujours pas démontré. La méthode employée, s’agissant des niches fiscales, est fondée sur l’arbitraire. Sur la base de critères idéologiques et même de critères de classes, le Gouvernement décide de qualifier, ou non, un dispositif dérogatoire en niche fiscale. À l’évidence, cette vision est forcément très sélective.

Nous avons demandé une évaluation complète des dépenses fiscales et proposé que les travaux du Conseil des prélèvements obligatoires servent de référence. Mais la majorité a écarté nos propositions, qui visaient à faire disparaître les niches inefficaces et injustes. Si elle avait vraiment voulu rendre efficace « l’attaque à la tronçonneuse », comme l’avait appelée Mme Lagarde, des niches fiscales, elle aurait fait en sorte de disposer, au début de la discussion du projet de loi de finances, d’une évaluation globale. Cela lui aurait sans doute évité le recours à une seconde délibération concernant l’exonération dont bénéficient les employeurs à domicile. Cette contorsion laissera des traces !

À vrai dire, depuis l’annonce faite par le Président de la République à la télévision le 16 novembre, l’exécutif a trouvé la parade à toute initiative parlementaire : tout est renvoyé au « printemps fiscal ». Le débat au Sénat aura permis, à l’occasion de l’examen de l’amendement du président Arthuis sur la fameuse « trilogie », devenue une tétralogie, d’apprécier les contradictions de la majorité. Nous souhaitons bon vent au groupe de travail monocolore qui va préparer cette fameuse réforme du patrimoine ! Que de contorsions déployées par le ministre pour se débarrasser de l’ISF et en même temps du bouclier fiscal, qui est désormais un boulet ! Et toutes ces contorsions sans toucher à l’essentiel : le patrimoine. Pourtant, les inégalités de patrimoine sont sans commune mesure avec les inégalités issues des revenus du travail. Le groupe socialiste, et je crois toute la gauche, refuse la société d’héritiers et de rentiers que la majorité a reconstituée.

Quant aux collectivités territoriales qui, au plus fort de la crise, ont joué leur rôle d’amortisseur social et d’investisseur public, elles sont, en retour, encore une fois maltraitées. L’année dernière, elles ont été privées d’air ; aujourd’hui, elles sont achevées, asphyxiées, en gelant leurs dotations.

La majorité va devoir assumer un coût final de la suppression de la taxe professionnelle qui sera doublé par rapport à celui qui avait été annoncé l’année dernière. Elle va devoir assumer une législation à l’aveugle. Sur l’article 59, pas moins de 75 amendements ont été déposés, et les trois quarts en provenance de la majorité! Cela montre non seulement le malaise, mais aussi, pour nombre de sénateurs UMP, le remord qui les saisit ! Enfin, ils vont devoir assumer l’incertitude dans laquelle ils ont plongé tous les élus locaux, quelle que soit leur couleur politique !

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